vendredi 21 août 2009

Martin Luther (1483-1546)


  • La Conférence entre Luther et le diable au sujet de la messe racontée par Luther lui-même / Traduction nouvelle en regard du texte latin par Isidore Liseux. Avec les remarques et annotations des abbés de Cordemoy et Lenglet-Dufresnoy. Frontispice gravé à l'eau-forte par J. Amiot.- Edition bilingue.- Paris (5, rue Scribe) : Isidore Liseux, 1875.- VIII-91 p.- 1 f. de pl. en front. ; 15 cm.

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AVANT-PROPOS

L'Abbé de Cordemoy était un savant homme de la fin du XVIIe siècle, qui avait pris à tâche de ruiner le Calvinisme par des arguments, puisque les dragonnades de son Roi n'avaient pu en venir à bout. Procédé moins royal, il est vrai, mais plus humain : aussi en sommes-nous reconnaissant à ce digne prêtre, et ne regrettons-nous pas de remettre son nom en lumière.

De tous les ouvrages de controverse qu'il a publiés contre les Protestants, celui-ci est peut-être le moins volumineux ; mais, ayant Luther et Satan pour collaborateurs, c'est, nous le croyons bien, celui qui mérite le plus d'être conservé. Les anciennes éditions (Paris, 1681, 1684, 1701, in-12) sont devenues introuvables, et si nous pouvons les reproduire pour l'édification des lecteurs du XIXe siècle, c'est grâce à un autre abbé, Lenglet-Dufresnoy, curieux et bibliophile autant que dévot, qui faisait ses délices des Lettres, après les devoirs de son état, comme il le dit lui-même d'un de ses confrères (1). Les devoirs de son état n'ont pas empêché Lenglet-Dufresnoy de donner au public les collections complètes et joyeusement commentées de nos vieux rimeurs : Le Roman de la Rose, Clément Marot, Régnier, etc. Il est même l'auteur d'une Dissertation sur les romans (2), dont le second tome contient une bibliographie assez piquante des facéties les plus gaillardes que l'esprit Gaulois eût encore produites. Rien d'ailleurs de plus orthodoxe : il continuait ainsi la tradition de l'Église, laquelle se glorifie tous les jours, et à juste titre, ne l'oublions pas, d'avoir sauvé du naufrage ces maîtres charmants du gai savoir antique, Horace, Catulle, Ovide, Martial, Pétrone ; et tant d'autres.

Donc, pour en revenir à notre Opuscule, il était déjà fort rare, lorsque Lenglet-Dufresnoy eut l'idée de le réimprimer, avec des notes de lui, dans son Recueil de Dissertations sur les Apparitions, les Visions et les Songes (Paris, 1715, 4 vol. in- 12). « Cette pièce, dit-il, est très-importante par sa singularité. Qui ne sera surpris de voir que Martin Luther, homme de beaucoup d'esprit, avoue dans la Relation de cette conférence, que c'est de l'Ange de ténèbres, auteur du mensonge, et que tout Chrétien doit avoir en horreur, qu'il tient une Doctrine, qui pour être crue par l'homme fidèle, qui pour être adoptée par une société entière, devait du moins être proposée par un Ange de lumières, reconnu avec certitude comme envoyé par l'Auteur de toute vérité ? Je m'en rapporte aux plus zélés Protestants, ses disciples. N'est-ce pas un excès condamnable dans Luther de s'être livré à ses préventions et d'avoir abandonné le sentiment unanime de l'Église Catholique, pour suivre aveuglément les suggestions du Démon, que dans le moment de leur conférence il reconnaît lui-même pour un séducteur et un Ange de ténèbres ? Nous avons cru, aux Remarques de M. l'Abbé de Cordemoy, en pouvoir ajouter quelques autres également intéressantes. Que les Protestants qui cherchent le vrai, qui ne craignent rien tant que de se voir trompés, ne doivent-ils pas penser à la lecture de cette pièce, reconnue et avouée pour être de Luther même ; pièce néanmoins qui fut un des motifs qui le fit passer du séjour de la vérité dans celui de l'erreur ? Que ne diraient-ils pas contre nous, s'ils avaient un semblable titre à nous opposer ? c'est ce que nous abandonnons à leurs sages et prudentes réflexions. »

Ces sentiments sont d'un bon Catholique, et nous dispensent de rien ajouter sur le fond du sujet. Notre dessein n'est pas, du reste, de réveiller des querelles assoupies, mais simplement de rendre le jour à un écrit intéressant, à un échantillon de discussion religieuse que la personnalité peu commune des interlocuteurs suffirait à recommander.

I. L.

(1) Préface du Recueil sur les Apparitions, page cl.
(2,)
De l'usage des Romans, avec une bibliothèque des romans, par Gordon de Percel [pseudonyme de Lenglet-Dufresnoy]. Amsterdam, chez la veuve de Poilras, 1734, 2 vol. in-12.