vendredi 15 février 2008

Vacances


Miscellanées (le blogue) sera fermé du 16 février au 1er mars 2008 inclus.

Paul-Louis Jacob (1806-1884)


  • Les Amateurs de vieux livres / par P. L. Jacob bibliophile.- Paris (8 rue des Cendriers, 20e) : Editions des Cendres, 1994.- 51 p. ; 18,5 cm.
    • ISBN : 2-86742-055-5.- Réimprimé d'après l'édition du Bulletin du bibliophile, 1840-1841.- Cette édition édition a été tirée à 500 exemplaires sur vergé légende.

jeudi 14 février 2008

Paul-Louis Jacob (1806-1884)


  • Le Commerce des livres anciens / par P. L. Jacob bibliophile.- Paris (8 rue des Cendriers, 20e) : Editions des Cendres, 1994.- 29 p. ; 18,5 cm.
    • ISBN : 2-86742-055-5.- Réédition du texte paru en 1880 dans le second volume des Miscellanées bibliographiques publiées par Edouard Rouveyre.- Cette édition pour les amateurs de livres anciens a été tirée à 500 exemplaires sur vergé légende. Dix exemplaires sur vergé d'Ecosse écru numérotés de I à X constituent l'édition originale.

mercredi 13 février 2008

Pascal Pia (1903-1979)


  • Les Livres de l'Enfer : Bibliographie critique des ouvrages érotiques dans leurs différentes éditions du XVIe siècle à nos jours / Pascal Pia.- Paris : Fayard, 1998.- 887 p. : couv. sous jaquette ill. en coul. ; 24 cm.
    • ISBN : 2-213-60189-5

mardi 12 février 2008

Franz Weyergans (1912-1974)

  • La Bibliothèque idéale des jeunes : la fiction, les sciences humaines, la vie vécue / Franz Weyergans.- 5e édition, revue et augmentée.- Paris (115, rue du Cherche-Midi, 6e) : Editions Universitaires, 1969.- 270 p. : couv. ill. ; 20 cm.- (La bibliothèque idéale).



Au lecteur


J'aurais voulu, pour cette cinquième édition, intituler ce livre Bibliothèque idéale des aînés. Car elle s'adresse à ceux qui ont compris que la lecture est un acte, qu'elle n'est pas fuite mais présence, pas refuge mais ouverture.

J'ai supprimé la préface où j'esquissais rapidement un art de lire. J'ai consacré, depuis la première édition, tout un livre à ce sujet, Apprendre à lire, que j'ai voulu comme le complément indispensable de cette Bibliothèque.

Les deux livres sont nés de la même démarche : donner accès aux œuvres sans peser sur le lecteur, et faire de la lecture un enrichissement. Les livres nous conduisent vers des pistes multiples, mais toutes doivent aboutir à la connaissance de l'homme – et de l'homme que nous sommes. De même un livre nous offre-t-il de nombreux accès à son message. Plus le message est important, plus nombreux sont les accès. Pour le comprendre et l'assimiler, nous devons emprunter toutes les voies qui mènent à lui. Il ne suffit pas de lire, il faut aussi, au cours de toute une vie, apprendre à lire.

J'insiste aussi sur la Bibliothèque. Les livres présentés ici sont accompagnés d'une indication de niveau (sauf pour le chapitre « Sciences humaines »). Ces indications sont nécessaires. Je ne me dissimule pas les dangers qu'elles entraînent :

Le premier c'est que les lecteurs s'imaginent qu'il s'agit de livres réservés aux grands adolescents. Or, j'ai suivi, dans l'établissement de ce choix, la démarche exactement inverse. Il s'agit de livres d'adultes proposés aux grands adolescents. Cette bibliothèque est celle du futur adulte. Il la continuera au long de sa vie. Mais il relira, au cours de son âge mûr, la plupart des livres qui s'y trouvent.

Les sigles qui divisent les lecteurs ne sont pas des défenses et ne sont pas axées sur un code moral. Car la formation de la personnalité est une. On apprend à dominer un livre sur tous les niveaux à la fois. Les débats du cœur et de la chair, et le jeu des passions humaines, qui sont le tissu même des œuvres de fiction, on ne les dominera pas, on n'en fera pas l'occasion d'une affirmation de soi, si on n'a pas formé sa personnalité sur tous les plans – intellectuel, moral et spirituel.

J'entends ce dernier mot au sens le plus large. Car ce livre n'est pas confessionnel. S'il fait la part du fait chrétien, il le propose à tous ses lecteurs, comme une réalité pour les chrétiens, comme un phénomène pour les autres. Nous devons nous défaire de cette équation spirituel-christianisme.

Les indications d'âge sont des indications de maturité. Chaque lecteur doit s'interroger et se classer lui-même. Les deux premières éditions ont suscité des réactions en sens divers à ce propos. Certains les trouvaient trop étroites, d'autres trop lâches, d'autres encore inutiles. J'ai décidé de les maintenir, mais en soulignant leur valeur de conseil, et en rappelant l'exercice de l'honnêteté envers soi-même.

Cette nouvelle édition propose une innovation importante. Sans réduire la part faite aux livres de fiction et aux témoignages de vie, j'ai ouvert, sur les conseils de nombreux usagers, une rubrique de « Sciences humaines ».

Puisque les événements de mai 68 ont prouvé que les jeunes (parfois très jeunes) désirent peser sur le destin de leur pays, il faut en tirer les conclusions. Ils n'atteindront pas ce but à coups de slogans, et les manifestations seront vaines s'ils ne savent ce qu'ils veulent. Ils doivent se former à l'étude des grands problèmes contemporains. C'est pourquoi cette rubrique propose les livres sérieux, les livres de base qui permettront à ceux qui ont vraiment le goût de l'action de la mener en connaissance de cause.

J'ai voulu un choix de livres engagés, mais sans parti-pris. Déjà la première édition ne présentait que des livres exigeants, qui obligeaient le lecteur à se connaître. Celle-ci va dans le même sens. Du tiers monde à l'architecture de l'an 2000, de Proust à Robbe-Grillet, de Freud à Riesman, c'est le même mouvement, celui de la plus pure jeunesse d'aujourd'hui, qui veut libérer l'homme, le restaurer dans sa liberté et l'amener au partage communautaire.

F. W.

P.-S. On ne s'étonnera pas trop de l'abandon des indications d'âge et de leur remplacement par des catégories plus souples – dans l'esprit de cette nouvelle édition.

Trois catégories sont prévues : celle de l'initiation à la lecture par les grandes œuvres, celle de la formation du goût et de l'esprit par ces œuvres, et celle enfin où le lecteur accède à une culture de plus en plus vaste, toujours par la lecture (cf. Table des sigles).

On pourrait dire que les trois catégories correspondent plus ou moins aux trois âges de l'adolescence : 14-15 à 15-16 ; 15-16 à 16-17 ; 16-17 et au-delà. Mais nous resterions encore dans l'approximation, car l'usage a démontré qu'il était très difficile de cerner les catégories d'âge. Cet âge est influencé par les milieux de vie ou de travail, les études faites, les expériences vécues, etc.

Aux lecteurs comme à ceux qui les guident je rappelle que les sigles sont destinés à marquer une progression, et qu'il faut à la fois, pour qu'une lecture soit efficace, connaître le livre et connaître le lecteur. Je crois avoir aidé chaque fois à connaître le livre. Quant au lecteur, il doit se connaître lui-même.


lundi 11 février 2008

André Blavier (1922-2001)


  • Les Fous littéraires / André Blavier.- Edition nouvelle revue, corrigée et considérablement augmentée.- Paris (8, rue des Cendriers, 20e) : Editions des Cendres, 2000.- 1147 p. : ill., couv sous jaquette ill. ; 25 cm.
    • ISBN : 2-86742-094-6.- Le tirage de cette édition des "Fous littéraires" d'André Blavier a été limité à 1500 exemplaires.

dimanche 10 février 2008

Gustave Flaubert (1821-1880)


  • Madame Bovary : moeurs de province / Gustave Flaubert.- Paris (25, rue Henri Barbusse) : Nelson éditeurs, 1955.- 479 p. : couv. sous jacquette ill. en coul. ; 16 cm.- (Coll. Nelson ; 400).

samedi 9 février 2008

Louis-Ferdinand Céline (1894-1961)


  • Arletty, jeune fille dauphinoise : scénario / L.-F. Céline ; préface de Frédéric Monnier.- Paris (55, rue de Rome) : La Flûte de Pan, 1985.- 39 p. : couv. ill. en coul. ; 19,5 cm.
    • Il a été tiré de cet ouvrage : 110 exemplaires, comportant un portrait inédit du clown Bébi par Céline, dont : 10 exemplaires hors commerce sur vergé Arches crème réservés aux amis de l'éditeur numérotés de HC 1 à HC 10 ; 30 exemplaires sur vergé Arches crème numérotés de 1 à 30 ; 70 exemplaires sur vergé blanc brésiliennumérotés de 31 à 100 ; et 1900 exemplaires sur bouffant édita, le tout constituant l'édition originale.

vendredi 8 février 2008

François Bernouard (1884-1948)


  • La Fièvre d'Amour : Dialogue en prose, coupé de trois repos pour les interprètes et le public / François Bernouard ; [couv. ill. de Robert Bonfils].- Paris (73, rue des Saints-Pères) : Typographie François Bernouard, 1927.- 108 p. : couv. ill. en coul. ; 18,5 cm.
    • Il a été tiré de cet ouvrage : 35 exemplaires sur papier du Japon numérotés de 1 à 35 ; 225 exemplaires sur papier de Madagascar numérotés de 36 à 260 ; 3000 exemplaires sur Vergé Francia numérotés de 261 à 3260. Plus 200 exemplaires sur Vergé pur Fil Vincent Montgolfier des Papeteries Louis Muller & Fils, 38, rue de Flandre à Paris, réservés aux Amis de l'Auteur, et non numérotés. [Exemplaire n°] 1085.
Note typographique

Depuis plus de vingt ans que j'imprime, je n'avais jamais trouvé un dialogue composé de façon à le rendre logique à l'esprit et agréable à la vue. En écrivant cette nouvelle, je m'étais amusé à disposer les phrases de manières que les répliques tombent l'une sous l'autre.

J'eus le plaisir de ne couper aucun mot, de supprimer les creux blanc du côté droit des pages, de me rapprocher davantage de la conversation. L'effet me paru réussi et j'adoptai cette disposition de typographie à la réplique pour ce court dialogue.

jeudi 7 février 2008

Gustave Aimard (1818-1883)


  • Le Souriquet / Gustave Aimard.- Paris (95, boulevard Magenta) : Les Editions La Bruyère, 1948.- 155 p. : couv. ill. en coul. ; 19 cm.

mercredi 6 février 2008

Jules Vallès (1832-1885)


  • Le Bachelier / Jules Vallès.- [Liège] : L'Amitié par le livre, 1948.- 349 p.-1 f. de pl. en coul. en front. ; 19 cm.
    • Ce volume, le quatrième de la huitème série des ouvrages édités pour le compte des membres de L'Amitié par le livre, a été achevé d'imprimer le 25-8-48 sur les presses de l'imprimerie Soledi, à Liège. Tous les exemplaires sont numérotés. Exemplaire n°2390.

mardi 5 février 2008

Emile Cabanon


  • Un roman pour les cuisinières / Emile Cabanon ; [avant-propos de José Corti].- Paris : Librairie José Corti, 1962.- IV-153 p. : couv. ill. ; 16,5 cm.- (Collection romantique ; 6).
    • Le présent ouvrage est sorti des presses des Imprimerie réunies, à Rennes, France, le 10 novembre 1962. Il a été tiré 25 ex. sur papier pur fil Lafuma Navarre.

AVANT-PROPOS

C'est Paul Eluard qui nous fit découvrir Un roman pour les cuisinières. Il tenait ce petit livre pour un chef-d'œuvre qui méritait l'hon­neur d'une réimpression. Si cette suggestion était heureuse, sa réalisation, en 1942, ne s'im­posait pas. Il aura fallu finalement à Emile Cabanon encore bien des années de patience pour faire sa rentrée en librairie.

Que sait-on de lui ? Peu de chose. On ne le connaît que comme un journaliste, « mystifica­teur à outrance », répandu dans les milieux littéraires des grandes heures du romantisme et par sa collaboration au Journal des enfants et au fameux Corsaire, cher à Baudelaire. Nous savons aussi que le succès de Un roman pour les cuisinières fut si retentissant que, qua­rante ans après sa publication, le Grand Larousse du XIXe siècle devait consacrer à ce roman, « l'un des plus curieux de l'époque », une notice d'une colonne entière dans laquelle s'exprime déjà le vœu d'une réédition. Car le roman de Cabanon était devenu introuvable.

Pourquoi, se demandera-t-on, un ouvrage qui court de la plus alerte des proses du commen­cement à la fin et dont le ton est si vif qu'il en vient à être parfois échevelé ; pourquoi ce roman aux épisodes souvent hardis, qui connut ce grand succès et qu'on souhaitait de pouvoir lire, ne fut-il jamais réimprimé ? C'est que le sou­venir du double procès des Fleurs du Mal et de Madame Bovary incitait les éditeurs à la pru­dence. On craignait que les rigueurs de la loi ne s'exerçassent à l'encontre d'un livre dont Charles Asselineau pouvait écrire, en 1872, dans sa Bibliographie romantique : «Le sujet en est à peine racontable, et certes les feuilletonistes d'à présent y regarderaient à deux fois avant que d'entamer le récit d'une aventure qui choque également la vraisemblance, la religion et la morale publique. »

Mais le même Asselineau jugeait ainsi l'œuvre : « Voilà assurément des folies bien folles et que la critique du parquet ne laisserait point passer. Et pourtant, je ne cacherai pas mon faible pour ces histoires insensées racon­tées avec l'entrain et la candide outrecuidance de la jeunesse. [ ... ] Le livre est écrit d'un ton leste et preste, et avec l'abandon d'un brave homme qui se croit à l'abri de tout péril comme de tout remords. La peinture est brillante, pim­pante et reste dans l'œil. »

Quand on aura lu l'oeuvre d'Emile Cabanon, on verra qu'en cent ans il s'est produit une notable évolution de la morale publique et que notre auteur ne s'est pas avancé bien loin dans un domaine où nombre de ses successeurs se sont aventurés à corps perdu sans émouvoir beaucoup le garde-champêtre. Mais ce mystifi­cateur se doublait d'un critique. Sous couleur de nous conter les aventures d'un dandy plus proche de Lovelace que de Don Juan, il nous donne, non une caricature, mais une charge ébouriffante du « style » romantique. Qui dit charge laisse entendre démesure. On ne sera pas surpris de la rencontrer en bien des pages. C'est le souligné de l'œuvre. Mais ce qui, dans un autre ouvrage pourrait scandaliser, ne peut ici qu'apprêter à sourire.

La raison pour laquelle Cabanon a accroché un titre aussi déroutant au récit d'une aventure galante est restée mystérieuse. On a voulu la chercher dans une sorte de défi lancé au bon sens du lecteur. Cabanon, nous le savons, avait au plus haut point le goût de la mystification si fort en vogue, à cette époque, dans le monde des artistes, — ayant décoché ce titre, il le justifie en proposant, en fin de volume, une recette culinaire. Mais cette mystification est peut-être moins gratuite qu'il ne le semble et peut-être aussi serait-il prudent d'examiner les choses d'un peu plus près ; singulièrement d'interroger celle fameuse recette des Cailles à la Cléman­tine. Qui nous est offerte où et quand personne ne l'attend. Quelle apparence que notre facé­tieux auteur, sans autre raison que de justifier son titre cocasse, ait fourni ces deux pages inso­lites, mais remarquables dans leur présentation. On découvre en effet dans cette recette que non seulement des initiales y sont libéralement semées, sans nécessité apparente, mais encore que la ponctuation, si exactement distribuée dans tout l'ouvrage, en est à peu près — à deux points près — totalement bannie.

Il pourrait se faire que ces initiales aberrantes ne fussent pas jetées au hasard, comme par jeu, pour simuler la rédaction d'une cuisinière inculte, mais bien posées pour attirer l'attention du lecteur, lui signifier que cette recette n'est pas aussi anodine qu'il peut le paraître et à l'inciter à découvrir ce qu'elle cache.

Nous invitons le lecteur, quand il aura lu, avec plaisir, nous l'espérons, Un roman pour les cuisinières, à rêver un peu sur ces deux pages et formons le vœu qu'il leur arrache leur secret — si, toutefois, elles en ont un.

J. C.

lundi 4 février 2008

Louis Nazzi (1884-1913)


  • Automne : épopée d'un sou / par Louis Nazzi.- Bassac (16120) : Plein Chant, 1999.- 12 p., couv. ill. en coul. ; 15,5 cm.
    • Composée en Victorias pour la couverture et en Clearface pour le corps d'ouvrage, ornée d'un détail de Feuilles d'au­tomne de John Everett Millais ( 1856, City Art Gallery, Manchester) et d'une vignette de Paul Wood­roffe ( 1908 ), la pré­sente plaquette, qui recueille un récit de Louis Nazzi publié pour la première fois le 25 janvier 1912 dans Comœdia, a été achevée d'imprimer en décembre 1999 par l'éditeur en son atelier de Bassac (Charente) et tirée à 800 exemplaires sur vergé chiffon des papeteries de Rives, hors commerce et réservés aux lecteurs et amis de Plein Chant.
    • Louis Nazzi (1884-1913), écrivain et critique oublié, mort en pleine jeunesse, n'a publié aucun livre mais il a laissé une oeuvre dispersée dans la presse de son temps, oeuvre pieusement rassemblée par Henry Poulaille qui voyait en Nazzi un écrivain prolétarien en puissance et qui souhaitait ardemment la publication de ses écrits. C'est chose en grande partie faite grâce aux Amis d'Henry Poulaille qui en publient un important ensemble dans le n°8-9 de leurs Cahiers. Nous en avons extrait cette « épopée d'un sou » pour enluminer ce Noël 99 et célébrer, le plus discrètement possible, le passage à l'an MiMille.

AUTOMNE

Rien n'est plus morne, dans notre petite ville de banlieue, durant les heures de la journée, que la grand'place, avec, au centre, son kiosque démodé et ses alignements de marronniers à la parade. La mairie et les écoles l'honorent de leurs façades républicaines. Aux jours de gloire, le drapeau de la France y flotte, la fanfare y déploie son vacarme, nos gens endimanchés s'y promènent dans une atmosphère d'ennui. La semaine, personne n'y passe ; quelquefois, un chien rôde, qui ne sait plus où aller par les fenêtres entrouvertes d'une classe, arrive un choeur assourdi de petites voix qui épellent. Le vaste terrain sablé, planté de ses arbres, où pas une couleur n'éclate, que pas une bande d'herbe n'égaie, s'étend, vide de bruit et de mouvement.

C'est le Jardin de la Ville.

Un poète municipal a décerné, dans les temps, à la grand'place, ce titre lyrique, qui la décore dans les mémoires, et qui figure, en lettres grasses, sur le cadastre. Jamais, même entre nous, nous ne la désignons autrement. Nous savons faire la part de l'idéal, dans notre commune.

Étranger, si tu traverses, un peu avant qu'une heure sonne, le Jardin de la Ville, tu le verras vivre et se peupler. Alors, peut-être, tu comprendras notre fierté. Les enfants de nos écoles, filles et garçons, y affluent et le remplissent de leurs poursuites et de leurs cris. Il n'est pas un morceau de terre, large comme une meule, qui n'ait ses occupants. Partout des jeux, des rondes, des courses et des batailles ; on saute à la corde, on se renvoie la balle, on parlemente à perte d'haleine ; une humanité réduite, vibrante et enfiévrée, savoure sa liberté et délivre sa joie. Regarde-les ! Comme ils se hâtent, nos petits gars, de faire du bonheur et de s'en étourdir ! Encore quelques minutes, et un battement, un seul, frappé à l'horloge de la mairie, élargira ses ondes infinies ; il étendra, au-dessus de la multitude enfantine, en plein ciel, à hauteur des toits, là où vont mourir les cris les plus perçants, comme une grande main invisible ; et le silence en descendra.

Nous voici, déjà, cheminant par la saison triste. Comme Novembre est venu vite, cette année ! L'air fraîchit ; du lointain des plaines, les vents grondeurs accourent ; le soleil se fait, chaque jour, plus pâle, et s'éloigne de nous ; la nuit gagne le monde. Dès quatre heures, il faut allumer la lampe. Le mal de l'automne dévaste tous les arbres, et la campagne, bois et labours, prés et rivières, toute la campagne, en est atteinte. Les chênes centenaires, les plus hauts peupliers, et qu'on croyait inattaquables, seront dépossédés, bientôt, de leur chair végétale et de leur âme bruissante ; ils cracheront, géants phtisiques, jusqu'à la dernière de leurs feuilles. Par la plaine désolée, la solitude elle-même, n'a plus son doux visage ; on dirait d'une pauvresse qui ne sait plus son chemin...

Hier, j'ai traversé le Jardin de la Ville, à l'heure de son privilège : je l'ai trouvé tout vibrant d'enfance. C'était par un lent départ d'après‑midi, sans soleil, empreint d'on ne sait quelle langueur morne et résignée de l'espace. Le petit peuple grouillait, se démenait, jetait ses appels qui claquaient sec, comme amortis, dans l'air. J'ai dû fendre, d'abord, le quartier turbulent des garçons ; ils y régnaient comme des conquérants ivres de leurs victoires. Jouer ne leur suffisait pas ; il leur fallait attiser sans cesse la partie et l'embraser de défis projetés et de querelles. À distance, ils se bravaient pour se ruer ensuite, les poings agités au-dessus des têtes, à des assauts imaginaires. Indifférents au deuil du paysage, ils piaffaient comme des poulains en liberté, et saccageaient, en se pourchassant, la paix pesante des feuilles mortes.

Je suis entré dans la foule raisonnable des petites filles. Hormis quelques-unes, exaltées, qui piquaient de loin en loin leur gaieté prodigue et montante, elles allaient par groupes de trois ou de cinq, se tenant par le bras, têtes rapprochées, et bavardant toutes ensemble. On avait délaissé, ce jour-là, les cordes et les raquettes, pour échanger, entre amies, les mystérieuses confidences. D'autres, comme de jeunes soeurs également studieuses, repassaient, dans le même livre, la même leçon. Et, comme je marchais, je me suis rapproché d'une réunion plus dense que, jusqu'alors, je n'avais pas vue.Cela formait, dans un des recoins de la grand'place, une sorte de petite communauté féminine, muette et laborieuse. Il y avait là, de toutes les fillettes, depuis les plus petites que les mamans emmitouflent dès le seuil des maisons, et que la maîtresse déballe dans la classe comme de petits paquets ambulants, jusqu'aux grandes, celles du certificat d'études, qui ne redoutent aucun regard et qui ont des manières libres et hardies de jeunes femmes aimées. Elles étaient toutes occupées à une tâche commune, dont rien ne pouvait les distraire. Une même coiffure bizarre, qui était comme l'emblème de leur mission, les distinguait du reste des enfants : c'étaient de petits casques roux, qu'elles s'étaient façonnés avec les feuilles ramassées, dont elles avaient les mains pleines. Elles s'employaient, hâtives et patientes, à tresser des guirlandes que d'autres, plus savantes, consolidaient et soudaient entre elles, pour une fin merveilleuse que je ne devinais pas. Un regard m'a tout révélé.

Au milieu de ses compagnes affairées, j'ai découvert leur petite reine. Avant mon arrivée, elles l'avaient déjà parée d'un manteau végétal, fait de la jonchée funèbre des arbres. Deux grandes, avec l'autorité de leurs douze ans, tournaient autour de la petite fille sage, et, funèbres, tout en la protégeant, elles assuraient les mailles de sa robe naturelle, qui la pressait à la taille comme une cotte étroite et fragile ; derrière l'enfant immobile, une dizaine d'ouvrières, au moins, travaillaient à achever la longue traîne. Inquiètes, empressées, elles entremêlaient leurs mains actives, et, dans la fièvre des dernières secondes, elles ne se murmuraient que des ordres.

J'ai voulu voir de plus près la fillette élue. Comme elles l'avaient bien choisie ! Elle se tenait toute droite, ses bras rigides le long du corps, timide et bienheureuse. Elle était, certes, de toutes ces écolières qui l'entouraient, la plus jolie et la plus pâle, la suprême fleur d'une mourante saison. Elle n'osait ni faire un geste, ni parler, dans la crainte, sans doute, de perdre une de ses feuilles ; mais, de ses lèvres roses et de ses yeux trop bleus, elle souriait doucement, semblable à une mystique épousée, le matin de ses noces divines. Possédée par sa nouvelle âme, elle ne devait respirer que le parfum des feuilles qui l'habillaient, et dont elle semblait goûter jusqu'à l'ivresse la mortelle griserie.

Ses suivantes ne la quittaient ni des mains, ni des yeux, et faisaient autour d'elle comme un bourdonnement de ruche. On veillait, cette fois, aux derniers apprêts. Certes, il était bien que la traîne fût large, teinte de tous les ocres et lamée d'or ; elles la voulaient encore résistante, d'une texture à toute épreuve.

Mais une grande s'est écartée de la précieuse châsse vivante, a frappé dans ses mains, et a crié, d'un ton de directrice : « Ça y est ! » Une à une, les autre se sont détachées, comme à regret, de l'étoffe frémissante qui tant leur plaisait à toucher. On s'est éloigné de quelques pas, on a contemplé, dans sa parure empruntée à l'âme sacrifiée des arbres, l'enfant au sourire béat de convalescente.

On aurait pu croire que tout, par avance, était arrangé, et que plusieurs répétitions avaient préparé la cérémonie enfantine. Cela s'est passé, simplement, avec la certitude des lois éternelles. D'un mouvement soudain, et sans qu'on les désignât, deux des plus petites entre les gamines, ont ramassé les pans de la traîne roussâtre, brûlée de tous les feux de novembre, et l'ont maintenue dans leurs menus poings crispés contre leur menton. Et, d'instinct, toutes celles qui avaient ajouté quelques feuilles au manteau, sont venues se grouper, qui par deux, qui par trois, derrière leur petite reine en attente.

Et l'enfant en robe d'automne a commencé son chemin mélancolique. Elle marchait d'un pas régulier, lent et triste, plein d'une puérile solennité, et la face extasiée. Aucune pensée étrangère à la noblesse de l'instant n'avait place dans son esprit ; elle allait devant soi, comme si quelque puissance supérieure et invisible, abaissée jusqu'à elle, petite créature de grâce, l'avait menée par la main. Au passage, de ses guirlandes pendantes, elle semblait happer les feuilles dispersées, qui lui faisaient une manière de tapis innombrable au sceau de sa royauté passagère, et les entraî­nait avec elle. Dans le cortège qui s'avançait en bon ordre, je n'ai perçu aucun bruit de voix ; je n'ai reconnu aucune mine incrédule.

Alors, la petite troupe des pèlerines, qui avait suivi longuement le mur, s'est aventurée sur la grand'place bruyante, dans la direction du centre, à la frontière des filles et des garçons. Et ceci, comme je vous le rapporte, est advenu ; les fillettes ont tu leurs entretiens chuchotés, une indicible rêverie, comme une brise subtile, a coulé entre elles ; elles n'ont pas attendu la fin de l'humble défilé pour se joindre à leurs camarades converties ; elles ont pris rang spontanément, sans gêne ni brusquerie. Et les petits mâles, que la fureur du jeu emportait, ont brisé leurs élans, à un mètre de la classe dévotieuse, comme une charge de fantassins mis, tout d'un coup, en présence d'un large fossé. Les bras ballants, encore tout essoufflés, gauches et stupéfiés, ils sont demeurés, les uns derrière les autres, à suivre de leurs yeux étonnés le cortège des filles, qui comptait maintenant deux classes, au moins. Seul, un clan de gamins à face vulgaire ont lancé des blasphèmes contre la fillette jolie. Et jusqu'à la seconde du battement fatidique de la
cloche, qui sonne la rentrée des classes, sous les marronniers dépouillés, dont elle apparaissait la fée minuscule et si digne d'être adorée, l'enfant a entraîné, par les sentiers de son rêve, la foule grossissante de ses fidèles, qu'accompagnait une grande ferveur. Le ciel, d'un blanc terne, uniformément délayé, était sans nuages, lourd d'un impla­cable regret, selon mon coeur. J'ai vécu un de ces hauts moments où l'âme solitaire épuise toutes les réserves de la sensibilité et semble, flamme qui se consume de sa propre chaleur, perdre contact avec l'être.

J'ai assisté hier, remué d'un frisson religieux, à la Procession de l'Automne, sur le Jardin de la Ville. Niaise et maladroite timidité que la mienne, qui me retient toujours de risquer mes gestes les plus vrais ! Pourquoi, puisque l'heure pensive et mon âme complice m'y incitaient, pourquoi ne me suis-je pas découvert, simplement, quand la petite reine est passée devant moi ?

dimanche 3 février 2008

Stéphane Mallarmé (1842-1898)


  • Villiers de l'Isle-Adam / Stéphane Mallarmé ; précédé d'une remarque de Roger Lewinter sur le "Tombeau d'Edgar Poe", avec un enregistrement (c.d.) de la conférence.- Paris (1, place Paul Painlevé, 5e) : Editions Ivréa, 1995.- 73 p. ; 21,5 cm.
    • ISBN : 2-85184-245-5. Exemplaire sans le cd audio.

Une Conférence de Stéphane Mallarmé
(au Cercle artistique)
Émile Verhaeren
L'Art moderne, 16 février 189o

La conférence de Stéphane Mallarmé a passé au dessus de la tête de son auditoire. Ceux qui se trou­vent de l'autre côté de la terre ne peuvent voir un serein prodige de lumière qui s'accomplirait sous notre midi. « Je suis, a dit l'illustre conférencier, un rêveur venant parler d'un rêveur. » Et cette simple phrase de début prédisait tout ce qui devait arriver.

Stéphane Mallarmé nous a montré Villiers de l'Isle-Adam, comme quelqu'un d'apparu, à la fois très vivant et très dans la gloire de la mort, déjà.

Il nous ajouté le Villiers parlant, gesticulant, songeant à voix haute ; nous avons réentendu la voix qui pour jamais s'est tue, nous avons vu remuer les doigts qui, depuis quel temps, dites, sont immo­biles — et même l'impression que faisait le brusque visiteur extraordinaire en apparaissant quelque part, grâce à un miracle de parler et d'attitude, nous l'avons éprouvée à tel instant, tout à coup. Villiers a été ressuscité en un superbe portrait où jusqu'au pli des vêtements, jusqu'à la manière de camper le chapeau sur la tête et de nouer le foulard autour du cou, tout était exact.

Et pourtant, sitôt qu'il s'est agi de l'œuvre, de cette Ève Future et de cet Axel, comme immédiate­ment le Villiers réel s'est mué en un quelqu'un d'au-delà, en un vivant d'une autre existence plus haute et plus spirituelle, dont sa vie terrestre n'a semblé que l'ombre projetée sur la toile blanche des appa­rences ! Le vrai Villiers, c'est le Villiers immortel du rêve, c'est celui qui restera écrit et expliqué dans le livre, c'est celui que l'accidentel Villiers, aujour­d'hui serré dans un cercueil, a eu le temps et la gloire de créer pour qu'il durât au-delà des conjec­tures de notre heure.

De ce Villiers-là, Stéphane Mallarmé a parlé comme d'un prodige et il a eu raison. Il l'a suggéré par des citations qui étonnaient et transportaient si loin qu'on devinait le surnaturel au travers. Le monde où se meuvent les personnages de Villiers : Adalie, Ewald, Sara, Axel sont au-delà des plus hautes montagnes de la réalité quotidienne. Peu de regards les aperçoivent.

Quand on songe que l'Eve Future est classée parmi les romans de la maison Brunhoff, et Axel édité par la maison Quantin comme un drame quelconque, une poignance saisit. De tels documents de la splendeur humaine devraient rayonner ailleurs — et la matérialité du papier et le prix affiché sur le volume même, au dos, de manière qu'on ne peut lire le titre sans immédiatement songer à une pièce de monnaie, froissent indiciblement. Eh bien, il nous a semblé que Villiers, le Villiers d'au-delà, ne sera jamais mieux exprimé qu'il ne l'a été mardi soir. Il l'a été, certes, mieux qu'il ne pouvait le faire lui-même, il l'a été mieux que ne le font ses livres. C'est que le rêveur qui parlait d'un autre rêveur commentait quelqu'un de la famille et que, à l'entendre dénombrer la généalogie des de l'Isle-Adam, on songeait à une autre, celle des penseurs et des poètes universels et suprêmes parmi lesquels Villiers est commandeur et Mallarmé prince, avec, tous les deux, du sang royal dans le cerveau.

Au cours de sa conférence, Stéphane Mallarmé a touché aux points littéraires et philosophiques les plus actuels ; il disposait en tremplin les en apparence minuscules observations pour s'élever d'un bond aux paroles définitives ; si bien qu'il semblait cueillir sans effort, dans l'air, les lumineuses sentences et les vérités pures. Au reste, cette mer­veilleuse aptitude à démêler l'éternel et le primor­dialement vrai dans le réseau des complexités accidentelles est la marque et le prestige de toute son oeuvre. Il est le poète essentiel par excellence, le contemplateur des sources, il est le total d'où se décomposent les nombres et le point fixe et central d'infinies rotations par à travers la vie. Cette géniale faculté, il l'a prouvée également en son entretien au Cercle. Et distinguant en Villiers de l'Isle-Adam et le rêveur et l'ironiste, il a voulu, lui aussi, s'offrir à nous sous ces deux aspects.

La fin de sa conférence, dite debout et toute entière dardée en fer rouge vers l'assistance, cette fois-ci attentive, à la façon de quelqu'un qu'on insulte, a été d'une ironie superbe. Chaque louange « Bruxelles, seconde capitale de l'art... toujours enclin à saluer et à célébrer ce qui est beau et hardi... qui renvoie à Paris ses primeurs... » brûlait à cru, en pleine chair vive, les auditeurs.

L'entretien de Stéphane Mallarmé est, certes, le plus indiscutablement haut et grand que le Cercle ait entendu. Et voilà pourquoi des cuistres d'une bêtise régulière et tassée dans les plis de leur front ont tâché de l'écraser sous leurs craquements de bottes en s'en allant après une demi-heure, et pourquoi d'autres tellement lourds, après leur dîner, qu'ils semblent digérer du cerveau et non de l'esto­mac, ont éructé à l'aise des réflexions si grossières que l'on pouvait croire que c'était le porc aux choux avalé vers les sept heures qui appréciait.

Quelques-uns avaient des gifles plein les poches à leur servir si un chut ! s'était fait entendre ; malheureusement cette détente n'a pu se produire. Et maintenant, après ces quelques jours passés, les gifles sont trop froides et le dédain a eu le temps de se greffer sur la colère. Et le dédain, après tout, a raison.

  • Pages belges / Emile Verhaeren.- Bruxelles (12 place du Petit Sablon) : La Renaissance du Livre, 1926.- 208 p. ; 18 cm.

samedi 2 février 2008

Jugendstil


  • Jugendstil et Art nouveau : œuvres graphiques / Hans H. Hofstätter ; avec la collab. de W. Jaworska et S. Hofstätter, .- Paris (22, rue Huyghens, 14e) : Albin Michel, 1985.- 293 p. : ill. en noir et en coul., couv. sous jaquette ill. en coul. ; 31 cm.
    • Trad de : "Jugendstil : Graphik und Druckkunst".- ISBN : 2-226-02475-1.

vendredi 1 février 2008

Pierre Marie-Cardine


  • Lisieux : le pélerinage, la ville / Pierre Marie-Cardine ; ouvrage orné de 61 héliogravures.- Grenoble : B. Arthaud, 1933.- 88 p. : ill., couv. ill. ; 23 cm. (Coll. "Visages").